L’iridium est un minéral extraterrestre présent dans une météorite qui a laissé son empreinte dans la péninsule du Yucatán : le cratère de Chicxulub. Son impact a créé une pluie de poussière continue, répandant l’iridium bien au-delà des frontières mexicaines. La particularité des falaises de Zumaia est la glaise qui a soigneusement conservé l’iridium et le laisse voir à celui ou celle qui s’émeut des traces du temps. Cette césure minérale se trouve dans les dépôts sédimentaires appelés flyschs où l’iridium inscrit la transition. C’est la cicatrice qui joint la fin d’une ère et l’éclosion d’un renouveau. Elle est le témoin géologique du basculement Crétacé-paléogène, de l’extinction massive des grands rep-tiles qui a marqué la fin de l’ère secondaire.
Charlotte Charbonnel s’est attardée au pied de la falaise, à l’intérieur d’une faille rocheuse accessible à marée basse. Elle s’est laissée emportée dans cette fissure temporelle cherchant à se rapprocher du basculement biologique tracé par l’iridium. Sa réponse sera Aura Loci, une machine à capturer l’au-ra des lieux. Une œuvre à photographier l’esprit que laisse échapper la faille des entrailles du temps. Charlotte assume les pouvoirs de l’art à dépasser les contraintes de l’entendement. Le temps devient une illusion, malléable et manipulable telle que le sous-entend les pratiques de divination. Aura Loci met en œuvre la possibilité d’une spiritualité qui suggère que le temps est en nous bien qu’effacé de notre mémoire. Aura Loci invoque l’apparition et l’impression de ce temps qui a marqué la fin de l’ère des dinosaures.
Xabier Ezkizia a adopté une tout autre pos-ture, celle où l’impuissance impose une lucidité matérielle, l’immensité est insaisissable. Zumaia et ses falaises présentent l’image d’une amnésie. La lecture impossible du temps donné par les flyschs désintègre la conception temporelle de l’échelle humaine. Observer l’immémorial, inscrit dans les strates, renvoie Xabier à l’idée que la limitation des perceptions humaines fait la fragilité de nos corps. À travers sa pièce socore Prooímon, il traduit cette vertigineuse sensation. Il choisit d’amener le spectateur dans une tentative d’excavation sonore telle une exploration archéologique du changement climatique dont témoigne l’iridium.